Interview de Philippe Bon
OnBourges : D’où te viens cette passion ?
Philippe Bon : Je crois que je suis tombé dedans, sans être le personnage bien connu des BD ! J’ai commencé l’archéologie à 10 ans, j’ai fait plusieurs années de fouilles à Bourges autour de la cathédrale et de la rue des Trois Maillets. Puis j’ai été envoyé à Néris-les-Bains, puis à Le Pègue dans la Drôme sur un site protohistorique, et là, c’était décidé, ce sera l’archéologie !
OnBourges : Mehun-sur-Yèvre, c’est l’appel du cœur ?
Philippe Bon : Je suis un enfant du pays. J’ai fait des études en histoire et en archéologie, des fouilles très variées, notamment en Italie ou en Tunisie. Mais tout me ramenait à Mehun.
OnBourges : Depuis combien de temps as-tu commencé les fouilles sur ce site ?
Philippe Bon : Dans un premier temps, elles étaient faites avec beaucoup de bonnes volontés et les efforts de tous. Puis dans les années 80 elles ont été reprises de manière plus fine. Il y avait plein de questions, on essaye d’y répondre. Cela nous a permis de comprendre qu’il n’y a pas qu’un seul château, Mehun-sur-Yèvre c’est douze châteaux empilés les uns sur les autres !
OnBourges : C’est ce qui le rend si exceptionnel ?
Philippe Bon : C’est un site majeur pour plein de raisons ! C’est un château très vertical et original. Certaines techniques utilisées pour la construction sont très avant-gardistes pour leur époque. Des nervures de voûtes, des dessous de marches qui se noient dans le mur un siècle en avance ici ; les prémices du gothique flamboyant 10/15 ans avant son arrivée à Paris là. Mehun est également un symbole d’une Renaissance arabo-espagnole avortée. C’est un château Renaissance avant l’heure. Il a aussi beaucoup de labels qui nous donnent une belle visibilité : Monument Historique depuis 1840 déjà, Ville et Métiers d’Art, Route Johannique et Jacques Cœur, Plus beaux Détours de France…
OnBourges : Ça en fait des vies pour un seul site… et dans un cadre magnifique !
Philippe Bon : L’histoire du Château va de 820 à 1475 environ ! Le cadre de verdure a quant à lui été un facteur essentiel dans son positionnement, et dans ses différentes fonctions. Les trois quarts du pourtour du site étaient des prés et des marécages où passe l’Yèvre. L’eau fût d’abord nourricière, puis défensive, et enfin pour la plaisance. À l’époque de Jean de Berry puis de Charles VII, c’était un château de retrait avec des étuves, des jardins-promenades et une ménagerie.
OnBourges : On pourrait t’écouter des heures comme ça, mais maintenant on aimerait connaître un peu le futur du château, à quoi ressemblera-t-il ?
Philippe Bon : La prochaine étape, le grand projet de la Ville de Mehun, c’est la restauration de la tour Ouest et l’intégration des caves dans la démarche de médiation touristique avec un parcours commenté. Les études sont en cours, tout le monde est d’accord pour lancer le projet. Les bénévoles de l’association archéologique pourraient même avoir la chance rarissime de présenter le fruit de leur recherche de leur vivant ! Sinon, il y a les études des collections, le Pôle de la Porcelaine juste à côté qui fait partie de la même entité « Musée Charles VII ». Et les diverses synthèses en cours d’écriture sur l’histoire de Mehun en replaçant le château dans un contexte national. J’ai « 25 casquettes », toutes très mélangées et très liées !
OnBourges : Avec tous ces souvenirs, il y en a un qui vous revient particulièrement ?
Philippe Bon : La fin des fouilles en 2001. Elles se sont terminées en point d’orgue avec un grand colloque « Le Château et l’Art ». Un moment unique ! 250 passionnés qui se rassemblent à Mehun pour parler d’histoire et d’archéologie. Il n’y avait plus de confrontation, juste de la complémentarité. C’était un super moment, avec des actes écrits remarquables !
Un tour dans le donjon des merveilles
Pour en apprendre encore plus sur l’histoire du Château, on vous conseille de suivre le guide au cœur du donjon. Vous ne serez pas retenu prisonniers, mais bien accompagnés le long de plusieurs salles exposants les collections des fouilles et certaines œuvres explicatives. Des miniatures, des fragments de statue d’un chevalier de 6 mètres de haut, des carreaux de pavement turquoises rares ou encore des lithophanies en porcelaine surprenantes. Et surprise, 168 marches plus haut, la terrasse offre un panorama sur les alentours, jusqu’à la Cathédrale de Bourges !